Frégate
Un peu diminué, j’ai traversé l’obstacle
Et si j’en crois l’augure, au festin de l’oracle,
Le cancer est vaincu, au moins pour cette fois,
Et la flèche du mal rangée en ses carquois.
Je contemple, pensif, ce reste d’avenir,
Hypothétique champ, toujours à survenir ;
Si demain semble moins grevé devant mes yeux,
Attentive, je sais la Parque au front soucieux.
Quel étrange radeau que cette vie confuse,
Pareil à la frégate nommée « La Méduse »
Fringant trois-mâts, bientôt échouée sans retour,
Dont le peintre traça le sinistre contour.
Je me sens relégué au bassin de radoub,
Mon été semble hiver, et j’espère un redoux,
Une brise en ma voile, affalée pour l’instant
Promesse d’un départ au tropique distant.
Je craque désormais en chacune membrure,
Mon étrave lassée de sa vague cambrure ;
Je songe au soir nuiteux, en l’orée, me levant,
Mené par le courant au désir du Levant.
Et, comme un vagabond que chaque sente égare,
Je suis le jour prochain où mon âme dépare,
Epuisant sous mes pas l’amère nostalgie,
Dans l’ombre où la vieillesse, implacable est surgie.
août 2014