Le paludier

Publié le par Lionel Droitecour

... Si j’ai du sel des mots affleurant mon errance ... / Reflété en en ces eaux la courbe de l’azur ...

... Si j’ai du sel des mots affleurant mon errance ... / Reflété en en ces eaux la courbe de l’azur ...

Qu’en est-il de ce chœur, en moi, comme une source ?
Je me suis arrêté et il poursuit sa course,
Je n’étais pas du fleuve, et non plus de ses bords,
Pas même de la crue en ses puissants débords.

À peine plus, sans doute, en l’humble sédiment
Que la fugace empreinte où saigne le moment,
Sous la livrée d’azur, affolé d’éphémère,
Vibration de l’instant sous la vive lumière.

Et tant d’ombre pour prix de cette solitude,
Enchainée au pourpoint de la morne habitude,
Ambitus de nos pas, dans la cendre du jour,
Marne, en l’instant, troublée de ce vague séjour.

C’est matérialité que ce rêve où nous sommes
Redan d’immatériel en la raison des hommes,
Une flamme, au brasier, évadée dans la nuit,
Mortellement voyage au sein de notre ennui.

Je n’ai jamais compris ce que j’étais vraiment
Défaite en l’absolu qui sans cesse se ment,
À soi-même d’abord pour faire une litière,
Puis au monde à son tour, sans forme ni frontière.

Dans cette infinitude où ma borne se perd,
Comme en la fondrière il n’est plus de repère,
En cet effondrement je ne suis qu’un rempart,
Une brèche toujours en l’éternel départ.

Et tout fuit devant moi qui agrippe le vide,
Au grenier poussiéreux d’une geste livide
Il n’est plus qu’apparence et prospect sans contour,
Et j’ai perdu le sens du simple mot d’amour.

Et pourtant il faut vivre et pousser sa contrainte,
Dans la gent oublier ce qui fut notre crainte,
Danser la gigue molle où le présent nous tient,
Voir périr jour à jour tout ce qui nous contient.

J’aimerai être sage ainsi qu’un philosophe,
Chercher ma vérité où du rêve l’étoffe
Tel un Hamlet songeur m’insurger de la mort,
Provoquer le destin d’un stérile transport.

Hélas, tout n’est en moi que représentation,
Théâtre des humeurs de mon imperfection,
Si j’agite mes bras c’est pour chasser la mouche,
Mon verbe n’est qu’un peu de bave sur ma bouche.

Pauvre histrion moqueur, tu fais tes cabrioles,
Pavané dans l’ego de mille paraboles,
Tu ressasses sans fin ta mémoire ductile,
Paravent dérisoire, en ta rime imbécile.

Tu n’es qu’en ton ressort, pareil à l’effraction,
Qu’une supercherie perchée sur l’inaction,
Une vaine rumeur aux vagues d’océan,
Qui se perdent pour rien aux rives du néant.

Voici l’onde sonore où ton cri n’est que bruit,
Ta verve est sure ainsi qu’un infertile fruit,
Talé, après sa chute, et qui roule dans l’herbe,
En l’inutile sort d’une défaite acerbe.

Au silence j’ajoute un peu de mon silence,
Ma présence est aussi légère que l’absence,
Si je doute toujours, quand je sais que j’existe,
J’aime au déchant du soir espérer l’aube triste.

Si j’ai du sel des mots affleurant mon errance,
Pareil au paludier, exhalant mon enfance,
Aux régularités d’une forme sans mur,
Reflété en en ces eaux la courbe de l’azur ;

C’était, dans les vapeurs en moi, comme une source,
Pour arrêter un peu, mon rêve dans sa course.
Mes digues sont crevées, la marée les emmène,
Dans ces trames qu’est-il que je sache ou comprenne ?

novembre 2013 

 

Publié dans Spiritualité

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J
"J'aime au déchant du soir espérer l'aube triste"...
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L
Merci pour les paroles que vous semez, ici et là, au pied de mon poème. C'est pour moi le plus sûr, le plus doux des encouragements.