Digne fut l’ouvrier
Je regarde la pluie tomber sur nos perrons,
Mouiller la pierre grise usée par l’érosion ;
Nos pas, milliers de fois, l’un à l’autre ajoutés
Imperceptiblement mordant l’arrête vive.
Tel mon cœur émoussé en sa lente dérive,
J’attends je ne sais quoi de l’aube. Déboutés
Chaque jour un peu plus au nom d’une illusion,
Nous sommes gueuserie dans l’ombre où nous errons.
Le privilège est là, qui nous nargue, narquois,
Il a fait de l’argent son idole notoire
Et nous toise en vainqueur, maître de la déroute
Où le monde s’enfonce et la banque s’enivre.
Qu’importe le maraud ! Puisqu’il tente de vivre
Nous réglerons son compte par la banqueroute
Et puis quelque matin, d’un trait sur l’écritoire
Le meurtre pour salaire en l’inique carquois.
Dictature fardée, hideuse république,
Là traitreuse momie de la démocratie
Règne comme un voleur que la loi fait ministre,
Et qui songe au profit de sa propre escarcelle.
Nous les retrouverons, la taille et la gabelle
Au songe corrompu de ce courtier sinistre
Qui se fait serviteur de la ploutocratie,
Et braille à l’éraillée son vain panégyrique.
Mais où donc sont des justes la libre espérance,
La foi dans l’unité, l’âme prolétarienne
Qui jadis à versé, rouge, un généreux sang,
Pour un bonheur humain partagé dans l’honneur ?
Nos pères, bravement, luttaient pour ce bonheur,
Digne fut l’ouvrier au cœur simple et décent,
Quand son patron flattait cette botte hitlérienne
Modèle pour des fous affamés de puissance.
mars 2016