Tempus fugit

Publié le par Lionel Droitecour

Francisco de Goya, (1746-1828), Saturne dévorant ses enfants

Francisco de Goya, (1746-1828), Saturne dévorant ses enfants

Le temps,
Qui prend son temps,
Nous attend,
Nous attend.

Il sait qu’inéluctablement
Les heures passent infiniment
Nous menant, nous manants
Vers la dernière, évidemment.

Et, debout dès la première heure,
De quart d’heure en quart- d’heure,
Nos minutes sont leurres,
Comptant avidement nos dols, nos heurts et nos douleurs.

Jadis au doux temps des quatre heures
Cueillions les fleurs, cueillions les pleurs
En attendant que sonne l’heure
Celle où la vie, las ! Se déffleure.

Le temps dévide l’écheveau,
Lève tard ou bien lève tôt,
Nous allons droit vers le tombeau
Au train où vont les escargots.

Secondes à l’endroit, secondes à l’envers,
Nous tricotons vers le calvaire,
L’horloge fronce un œil de fer
Pour nous déprendre, nous défaire.

C’est l’heure, l’heure, disent les heures
Aux lambineurs ou aux rêveurs
Qui laissent, laissent passer l’heure.
Mais qu’on s’y presse ou qu’on l’effleure

Toujours un jour, toujours, on meurt,
Après le bouillon de onze heures,
Lorsque vient le dernier quart d’heure
Qui tique-taque, persifleur.

Et dans ses mains quand sonne l’heure
L’horloger fronce un œil trompeur
Songeant, sur l’heure, conte menteur
Aux loteries des corps à cœurs

Aigres, nos amères humeurs ;
Comme des oiseaux migrateurs
Fuient, s'enfuient à l’ombre des heures
Pour y semer tous nos malheurs.

C’est là qu’il prend son temps,
Et là qu’il nous attend
Le temps ce maudit garnement
Qui passe, sasse notre temps.

août 2006

Publié dans Le temps

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