Qui suis-je ?
Ou bien, plutôt, que ne suis-je pas...

S'il devait exister,
Quelque jour,
Un discret monument
Au poète inconnu,
J'irai, modestement,
Tard le soir,
Pour être sûr
De n'y gêner personne,
Déposer, en silence,
Ma petite fleur d'anonymat...
Notice biographique
1.
Vous demandez, mon cher, que je parle de moi,
l faut une notice,
Afin qu’un jour prochain, lorsque je serai mort
On se fasse une idée de ce que fut mon corps.
C’est là que je réside en effet, j’en conviens
Mais juste de passage en cet hôtel malsain,
Et , en cette étroite lice,
Par cette chair confuse et qui me colle aux doigts.
Mais voyez vous, ami, je ne saurais qu’en dire :
Comme un épouvantail, perchoir aux illusions
De la paille, du foin, sous un triste oripeau.
Quant à ce qui peut battre encor sous cette peau
Je l’ignore moi-même et tous ces alluvions,
Infertile terreau, ne sauraient rien produire.
2.
Je suis de ces ronciers où les mûres sont rares,
Où croît, du liseron, la trompette geignarde,
L’or du pissenlit vert et la urticante,
Sous le mauve chardon une étoile piquante
Et, dans la mauvaise herbe, égarée par mégarde,
Une feuille de menthe où s'embaument mes lares.
Nulle rose en ces lieux qui plaise au vieux Ronsard,
Nulle mignonne, enfuie de peur qu’on la regarde,
Nul être, en ce jardin que ma tristesse hante.
3.
J’y erre nonchalant aux échos de la lune
Après le crépuscule et, préférant la nuit,
Rhizome sous la terre, y trouve tiens ? Des vers,
Compagnons d’infortune à l’âme solitaire.
Immodeste pudeur, fabriquée des contraires,
Mon orgueil tatillon m’oblige de me taire…
Au reste, sais-je bien ce qui bouge et qui bruit
En ce verbe saisit de la muse importune ?
Je n’ai que des questions, des doutes, des frayeurs
Quelques sentes tracées où s’épuisent mes pas
Dans l’improbable empreinte, épure et vanité,
Promise à se dissoudre dans l’éternité…
J’en ai bien assez dit, ami, restons en là :
La préface, sans moi, n’en sera que meilleure.
octobre 2008
... J’en ai bien assez dit, ami, restons en là : / La préface, sans moi, n’en sera que meilleure ...
Allez, je vais quand même vous en raconter un peu plus.
Ce qui est décrit ci-dessous est l'exacte vérité :
( il faut cliquer sur la Dame à la licorne )
La patrie des émaux ( et de la porcelaine ) c'est Limoges.
Le collège Pierre de Ronsard,
rue de la Brégère, n'a pas tellement changé,
un peu plus de quarante ans après.
Quant à la rue Arthur Rimbaud,
elle n'avait mais alors rien, vraiment, pour inspirer la poésie...
Ma vraie patrie, c'était la Creuse,
quoique je n'y ai que bien peu séjourné, puisque je suis né à Montluçon, dans l'Allier, où j'ai vécu jusqu'à mes onze ou douze ans.
Quand j'étais môme, il fallait à peu près une heure à une machine à vapeur tirant un
Je louchais pour voir en bas, quand mon père me disait : se rendre à la ferme de mes grands parents. Le clou du voyage, c'était le viaduc sur la Tardes, au départ de Montluçon, sur la ligne qui menait alors jusqu'à Ussel.
« Gare aux escarbilles ! Ne te penches pas ! »

Et l'on s'arrêtait dans toutes les gares !
Je me souviens surtout des dernières d'entre elles, car au fur et à mesure qu'elles s'égrenaient, mon impatience grandissait : ... Auzance ... Reterre ... Les Mars ... Mérinchal ...
puis enfin :

Létrade, terme du voyage, porte de ma joie.
Aujourd'hui la ligne est fermée, la gare désaffectée, le passage à niveau a disparu, les rails en ont été coupés depuis que l'on a refait le macadam de la Départementale 941.
Sur la Creuse, voyez ici :
Pendant les années collège,
je devais avoir à peu près cette tête là.
Hum, pas très joyeux le jeune homme. Limoges, mon exil. J'étais orphelin d'une ville où je ne suis jamais retourné, greffon de hasard sur un tronc où je n'ai pas fleuri. , à cet âge, par un incommensurable ennui, l'un de mes professeurs m'avait surnommé « le vieux sage du fond de la classe ». Je crois qu'il essayait, mais en vain, de me tirer de ma léthargie...
En ce profond océan de vacuité où j’étais immergé jusqu’à suffoquer, cependant, j’avais réussi à découvrir mon ile au trésor.
C’était le « Lagarde et Michard », manuel de français dans lequel me furent révélés les prémices de l’émotion littéraire, primesautières évasions de mes premières fugues. Emprisonné entre les murs de la classe, j’étais libre, puisque, même sans ouvrir le livre, je me récitais intérieurement les poèmes que j’y avais appris par coeur, - de tout mon coeur.
Pour mon plaisir, mais pour moi seul.
Ils sont encore là, bien présents en ma mémoire.
Lorsqu'avec ses enfants...
En ce temps,
je ne connaissais pas Georges Chelon, mais c’était déjà musique en ma tête.
Rodrigue, as-tu du coeur ?
Pour faire le portrait d'un oiseau...
Villon est un poète sarcartique : Bernard Lavillier en donne ici une interprétation parfaite...
Si, par une nuit bleue et froide de décembre...
Alors, bien sûr, à l'ombre des maîtres,
j'ai commencé à remplir maints cahiers
de l'encre bleue de mon stylo à plume...
Le manuscrit
Dans mes archives j’ai retrouvé ce cahier,
Jadis, où j’écrivais, amer et tourmenté,
Les poèmes si chers, alors, à mes pensées.
Voici que je contemple une trace épuisée
Et qu’à moi même enfin, critique sans pitié,
Faisant la moue, déçu et sans aménité
Je reproche une rime et un vers mal tourné.
Bah, ce n’est que cela, si peu en vérité ;
Je croyais, j’espérais et j’avais dans l’idée…
Non vraiment il n’y a plus rien à en tirer.
Lors, maussade, je range à la place oubliée
Ce morne résidu de ce que j’ai été,
Poussière, en mon grimoire, un instant soulevée,
Reste des jours fanés… dont je n’ai rien jeté.
septembre 2008
De tant de vers adolescents, je n'ai gardé que ces quelques lignes :
Enivré par les mots,
Empêtré par la rime,
Le poète anonyme
Effleure, doigts de craie,
D'impalpables néants
Dérobés à sa plume...
Alors, j'ai fait silence.
La poésie ? Partie, envolée, oubliée...
J'avais quitté la capitale de la porcelaine pour celle, autoproclamée, de l'Europe. Eblouissement, pour moi, de la grande cité prospère aux vastes avenues, de ses quartiers anciens chargés d'histoire, de ces rues où avait passé, rapidement un tout jeune Mozart, de ce théâtre où Mahler donna sa cinquième symphonie en 1905, dans le cadre de festivités musicales dont l'écho résonne encore à ce jour.
Vous l’avez compris c’est l’amour de la musique qui avait décidé de mon installation à Strasbourg, plutôt que Chartres, Joué-lès-Tours ou Montargis, parmi les quelques propositions de titularisation que m’avait faites, alors, l’administration des PTT.
J’y ai construit ma vie, ma famille, mon quotidien.
Et puis voici que, bien des années après, je me suis mis,
littéralement, à déborder de mots et de paroles, ils m'assaillaient,
me tourmentaient, ne me laissaient jamais en repos.
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Dans les mortes saisons de nos rives sans fruit
J’avance par le verbe un pion dans le réel.
C’est ainsi, je bâti cette fable, sans bruit,
Humble comme le brin d’un simple sous le ciel.
Il n'est pas de dessein en ma sente immature,
Je n’ai pas de projet et je n’aspire à rien.
Je fleuris, car je crois que c’est dans ma nature,
Pour le reste, je m’arrangerrai bien.
Prenez si vous voulez, de cette confiture
De mots acidulés dont je fais parabole,
De propos chantournés, volatile mixture.
Nous savons, n'est ce pas, comment ça finira :
N’importe ! Je m’applique et fourbis mon obole,
Chaque jour me suffit et qui vivra dira.
Lionel D.
Enfin je cache ici, tout au bout d'une longue page
que bien peu de lecteurs devraient dérouler
jusques au tréfond de cette cave obscure,
et à toutes fins futiles,
mon ultime ...
... Notice (auto) biographique
Lionel Droitecour est né le 26 décembre 1958, à Montluçon. Il s’approche désormais du terme d’une existence qui semble devoir être un peu ratiboisée par une maladie que l’on dit généralement longue et pénible, pour éviter de dire son nom.
On ignore encore, néanmoins combien elle durera, si bien qu’à ce jour, il convient d’attendre quelque temps avant d’inscrire la seconde date de sa stèle commémorative. Si tant est qu’il n’en soit jamais une pour marquer son discret passage sur la terre.
Il vécut sans histoire une petite vie de fonctionnaire sans apparat, ne recherchant ni gloire, ni honneur, moins encore la fortune. Il eut fallut pour cela qui ait quelque titre à y prétendre, ce qui paraît fort douteux, même (et surtout) à ses propres yeux.
Il s’éteindra donc sans amertume, le moment venu, fort satisfait, je pense, d’être libéré du lourd fardeau d’une existence qui fut son principal sujet de gêne et d’effarement, aussi longtemps qu’il en fut affligé.
Il laissera derrière lui un nombre considérable de poèmes qui n’ont, pour la plupart, pas trouvé d’éditeurs et sont probablement voués à l’oubli. Si donc vous lisez ces lignes au frontispice d’un livre consacré à ses œuvres, il s’agira fort probablement d’un opus posthume, financé grâce à la charité de la petite poignée d’amis sincères qui auront eu cette ultime grandeur d’âme.
Mais j’en doute fort...
Un jour je m'en irai
Aux îles sous le vent, au pays des enfants
Ah oui je m'en irai, m'en irai pour la vie
Pour les jours et les soirs, les matins et les nuits
Je quitterai Paris, je quitterai la Seine
Notre Dame les quais, ma jeunesse et la tienne
Je n'irai plus jamais acheter de château,
En Espagne ou ailleurs ni faire le zigoto
Ni traîner ma mollesse de vieux cargo usé
Au long des noirs canaux de Paris enfiévré
Ni ne finirai plus à minuit Place Blanche
Ah je voudrais goûter à mes anciens dimanches
Je quitterai Paris sans même une valise
Pour larguer mon passé et toutes mes sottises
Je quitterai les fleurs du jardin de ton corps
Et ta bouche anonyme et ton cœur qui m'endort
Je traînerai ma vie au long des continents
Au long des rêveries, au long des océans
Et peut être au fin fond d'une mer verticale
Entre cieux et nuages et vagues viendra le calme
Un jour je m'en irai sur un bateau tout blanc
Aux îles sous le vent au pays des enfants
Ah oui je m'en irai, m'en irai pour la vie
Pour les jours et les soirs, les matins et les nuits
Un jour je m'en irai sur un bateau tout blanc
Aux îles sous le vent au loin, loin oui mais quand
Ah oui je m'enfuirai m'enfuirai pour la vie
Pour les jours, pour les nuits, pour la mort sans soucis
Musique Jean Musy