Les vieilles lettres
Lorsqu’il s’est agi de trouver un nom, pour ce blog,
je me suis assez longuement creusé la tête. Puis il a fini tout naturellement par s’imposer à moi.
La poésie demeure, en effet, le moyen par lequel je me console – un peu... de n’être pas musicien.
« En feuilletant les vieilles lettres » est une issue des traditions de la musique populaire roumaine.
L’amitié me l’a offerte en la personne de Pierre, accordeur de piano à ses heures perdues, authentique musicien du temps retrouvé.
Les vieilles lettres
J’avais jadis caché au fond de ce grenier
Un lot de vieux écrits, où sont encres fanées.
Pourquoi viens-tu ce soir en la triste soupente
Mon cœur, et dis-moi donc, n’es-tu las des romances ?
Hélas, du temps passé des ris de nos enfances
Que reste t-il en ce déclin qui te tourmente ?
Dans la pénombre émue, lettres enrubannées,
À dénouer vos nœuds je crains de me renier.
Que vais-je retrouver de ces espoirs déçus
̶ Nos jeunes âmes, lors étaient en leur printemps,
Moi, désormais, que mord l’hiver et ses froidures
En l'âtre, sous la cendre, où la braise est éteinte ?
Allons, attends un peu et modère ta plainte :
Nous reviendrons demain caresser ces murmures,
Patience, tais-toi donc ! Il reste un peu de temps,
Tu bats encore assez, va, pour un jour de plus.
Pourquoi risquer d'ouvrir la boite de Pandore,
Pourquoi tenter le diable en l'antique méandre ?
Je ne veux m'exposer à perdre ce vieux rêve
Qu’un souvenir charmé pare de son vain lustre.
Fuis donc ce lieu, mon cœur, la nostalgie est frustre,
Il faut s'en détourner lorsque l'heure s’achève,
Il vaut mieux renoncer à croire ou à comprendre,
Où l'amour versatile, éperdu, nous implore.
Non. Je n’ouvrirai pas les lettres d’autrefois.
Qu’elles gardent secrète, en l’illusion des mots,
Cette fleur effeuillée sous nos doigts hésitants ;
Ce souffle, sur ta lèvre, où je n’osais cueillir
Le doux baiser offert à ma trop jeune lyre.
Va, soit ferme mon cœur, et jette dans l’étang
La clé, mure la porte, emprisonne, gémeaux,
Ta rancœur et mon doute aux intimes beffrois.
novembre 2008
Les sons que rendent les passions dans le vide d’un cœur solitaire
ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d’un désert ; on en jouit, mais on ne peut les peindre.
L’automne me surprit au milieu de ces incertitudes : j’entrai avec ravissement dans les mois des tempêtes. Tantôt j’aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes, tantôt j’enviais jusqu’au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l’humble feu de broussailles qu’il avait allumé au coin d’un bois.
J’écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays le chant naturel de l’homme est triste, lors même qu’il exprime le bonheur.
Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs.
Chateaubriand, René (1802)
La doïna
Est un style musical roumain, peut-être originaire du Moyen-Orient.
écouverte dans le nord de la Transylvanie, en 1912, il pensa de prime abord qu’il s'agissait d'une forme mélodique spécifiquement roumaine. Mais après avoir rencontré des musiques similaires en Ukraine, en Albanie, en Algérie, au Moyen-Orient et dans le nord de l’Inde ; il en vint à penser que la doïna s'apparentait à une famille de genres musicaux d’origine arabo-persique.
Considérablement ornementée, d’un rythme extrêmement libre et d’un caractère improvisé, la doïna est essentiellement monophonique, qu'elle soit chantée ou instrumentale.
Ancienne flûte de pan jouée à l’époque médiévale, on aperçoit un frestel tenu par un berger représenté à côté de la nativité, sur le portail occidental de la cathédrale de Chartres.