En l’aurore, demain

Publié le par Lionel Droitecour

Kirkjufell, montagne isolée d'Islande, située sur la péninsule de Snæfellsnes.

Kirkjufell, montagne isolée d'Islande, située sur la péninsule de Snæfellsnes.

Demain je serai là, dans l’arbre ou dans la pierre,
Poussière en l’infini aux trames d’une étoile,
Matière distribuée dans le hasard quantique,
Forme en le devenir des prochaines essences.

Dans le vide peuplé d’éventuelles distances,
Je serai, sans connaître, autre dans l’identique,
Absente destinée sous une même voile,
Prorogé hors moi-même en la vergue solaire.

Ici, où le possible a le contour d’un rêve,
Le solide n’est rien qu’une force à l’ouvrage,
Latence, en l’univers, d’un sillon inversé,
Polarité errante en toutes dimensions.

Gigantesque battue de mille dissensions,
Immensité soudaine en l’éther déversé,
Masse, désespérée de son propre sevrage,
Qui s’embrase et s’épand sur la nouvelle grève.

À l’orée d’inconnu d’une simple mémoire,
La pensée ne dessine autour d’elle que l’ombre,
Plus vaste encore, au don de la pure équation
Qui délimite un lieu pour le questionnement.

Dans le théâtre d’être, ainsi, le firmament
N’est qu’une toile peinte en la dénégation,
Un décor d’apparat fabriqué par le nombre
Où le sens est produit, arc-en-ciel en la moire.

Nous sommes les témoins de nos propres regards,
L’apogée du néant qui s’induit d’une stase,
Un mensonge, peut-être, un songe, c’est certain,
Lumière diffractée au seuil de l’énergie.

Cette double nature en nos corps est surgie,
Tel l’Orphée de Cocteau et son miroir sans tain,
Nous traversons la vie à chercher une extase
Qui se refuse à nous bien qu’offerte aux hasards.

L’homme, univers en soit, est une particule,
Nous n’existons jamais que par interaction,
Par le langage ouvert à la sente d’aimer,
Par le sens ébloui sous la pulsion du beau.

Né d’une galaxie, nous serons, au tombeau,
Berge d’un matériau propice à essaimer,
L’éternité en nous y demeure en faction,
L’aube est une promesse ardente au crépuscule.

Allons, il faut dissoudre au chevet de l’angoisse
Cette pâle harmonie qui fait notre discours,
Polyphonie joyeuse et litanie sans nom,
Poème dévoyé sur la lèvre qui passe.

Nous fûmes habitants, un instant, de l’espace,
Une âme à peine éclose, un phonème, pronom,
Idée exaspérée de son mortel encours
Et que l’aile du temps, inaltérable froisse.

Il n’est d’autre refuge à la mer que l’écueil,
Le brisant qui la frise en gerbe, multitude,
Donne un écho futile à son humble jusant,
La porte de la nuit y vient s’éparpiller.

L’enfance émerveillée n’en sait que babiller,
Ne sommes-nous jamais qu’un être s’abusant,
Effrayé tout autant d’ombre et de solitude
Que de la vasque affreuse où s’emplit notre deuil ?

Pourtant nous demeurons par ce qui nous compose,
Qu’importe l’âme au gré de ce vivant flambeau !
Toute chose est impie où l’esprit s’évapore,
Il n’est que grains épars décillant le réel.

Dans la désillusion d’un temps superficiel,
Une fusion probable en mon sein s’élabore,
Elle sourd de mes mains et tremble sous ma peau,
En l’aurore, demain, une flamme en dispose.

janvier 2014

 

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