Décombres
Décombres ! Tout se ruine en le rustre avenir
Et, pour un Parthénon, combien sont les palais
Démembrés aujourd’hui, poussières sur l’oubli ?
Combien de monuments, vastes architectures,
Dans la brume ont fondu, hier, leurs gloires futures ?
Colonnes de Darius au temple enseveli,
Sombre, aux jungles d’Angkor qu’une ombre dévalait,
Ce dieu mort, abattu, dont jusqu’au souvenir
Naufrage corps et biens aux remous de l’histoire.
Il fut jadis témoin de la splendeur d’un homme,
De ses cris, de ses craintes en vaines prières ;
Il a porté l’espoir des générations
Paraissant éternel aux yeux de l’horizon
Pour crouler peu à peu, jour à jour, pierre à pierre.
L’herbe folle aux chemins délaissés dedans Rome,
Mêle son humble envol aux hymnes de mémoire
Qui, sous le vert manteaux de nature emprisonnent
La pourpre des césars et le sang des Borgia.
L’eau des rivières pense, en murmures s’épanche,
Remembrance de l’humble, doux ou bien puissant,
Pâtre ignorant, joyeux, ou clerc philosophant.
Les tours de Notre-Dame, un solennel dimanche,
Ont vu passer Villon, Voltaire, Heredia,
Tant de regards illustres, de noms qui résonnent.
Lieux de ressouvenance où l’âme rend hommage
À ce qui nous émeut, à ce qui nous conquiert,
À ceux que nous sauvons des marais de carence.
Mais, pour l’image, un jour, ensauvée du néant,
Combien vont en l’abîme à jamais, océan
Dont le sel se fait larme en l’éternelle errance,
Baignant un cœur muet que seul l’oubli requiert,
Puis se délite et meurt, de nuit, sans héritage.
février 2006