De ma simple faconde
... Et pourtant quelquefois je me trouve exultant ... / Au ciel alexandrin qu’il me plaît de connaître ...
Il me faut une épreuve à surmonter toujours,
Je suis insatisfait du schéma de ce vers,
Du thème rebattu où ma vague se brise
De ce futile élan qui meurt en déshérence.
Pour cela chaque jour encor, je recommence,
Je mesure ma foi au ton de l’aube grise,
J’accroche l’utopie du ciel à mon revers
Et je vais à l’encan monnayer mes rebours.
Je sais bien, mon ami, que tout cela est vain,
Qu’il faut se pavaner en tenant la posture,
Ne surtout rien montrer de son vert désarroi,
Impassible, passer dans la presse du vent.
J’ai tenté la méthode et fait mon paravent,
J’ai caché ma bricole dans l’amer charroi,
J’en ai perdu le compte, hélas, j’en suis parjure,
Déliquescent et vague en mon obscur couvain.
Car, malgré que j’en ai, je suis toujours à naître,
Je n’ai rien accompli qu’une humble pantomime,
Deux ou trois tours à vide, en testant la machine,
Rien de beau ni de grand, ni même d’exaltant.
Et pourtant quelquefois je me trouve exultant
Devant un mot de vers en lequel je m’échine,
Traversé du désir d’une improbable rime,
Au ciel alexandrin qu’il me plaît de connaître.
Oh, certes, je vois bien que c’est petite joie
À ton œil téméraire ; qu’il est en ton regard
Fragrance de mépris, de la condescendance :
Un poème ! Allons donc ! Qu’est-ce donc aujourd’hui !
C’est la fragile instance où mon humeur reluit,
La part intime en moi, qui cèle sa vacance,
Déçu par elle encor, je conçois quelque égard
Pour cette humanité pourrie d’esprit bourgeois.
C’est là je le concède, en soi, une humble quête,
Sans coup férir je vais à ma désillusion,
J’ai laissé l’espérance en brumeuse contrée
Et je vais solitaire, où ma coupe déborde.
Ma petite épopée, certes, je te l’accorde
Est dérisoire autant qu’elle est autocentrée,
Peut-être mais, vois-tu, c’est un ciel d’effusion
Où je trouve parfois, l’impalpable conquête.
Au moins c’est un bonheur qui coûte peu au monde,
Je n’ai rien renversé, nulle arme dans ma main,
Un peu de verbe hautain que nul ne vient chanter,
Il me suffit d’aimer en ce vers qui m’étreint.
Je demeure en cela de cœur libre serein,
Content en ma saison qu’une fleur vient hanter,
Fantôme évaporé d’un autre lendemain,
Que je nourris, bavard, de ma simple faconde.
septembre 2013