La ronde de nuit

Publié le par Lionel Droitecour

Fernand Pelez (1843-1913) Grimaces et misères ou les Saltimbanques

Fernand Pelez (1843-1913) Grimaces et misères ou les Saltimbanques

Je suis affamé de visages.
Ainsi, dans les livres d’images,
En noir et blanc je cherche trace
Des rives où le cœur prend place.

Il n’est ancien le temps d'antan
Où, de l’humble, on fige l’instant.
Jadis, et dans la pose altière,
Le prince exhibait sa rapière ;

Le roi, statufié dans l’hermine,
Le bourgeois dans sa bonne mine,
Le teint fleurit, le ventre gras,
Ronde de nuit des esprit ras.

Mais du peuple et de ses misères,
Nulle mémoire et pauvres hères
Errent où portiers de l’absence
Leur signifient l’indifférence.

Le pinceau des frères Le Nain,
Traque en la toile un drame humain ;
Et chez Pelez, saltimbanques
Tableau de misères, de manques.

Puis vint la boite à l’œil de verre :
Sous l’art de Niépce et de Daguerre,
Bientôt tout un peuple se lève,
Contours flous, comme dans un rêve.

Tous ces verts aïeuls à moustaches,
Coiffes, dentelles, sabretaches,
Ces bambins nus sur des coussins,
Sont nos prémices, nos confins.

Là dans ces images figées
D’antiques vertus érigées,
Sommeillent notre humanité,
Sans fard, sans art, sans vanité.

Ici sont nos trames fidèles,
Miroirs de ces anciens modèles,
Nous y retrouvons nos figures,
Silhouettes en nos matures.

Lorsque la nuit nous environne
Tout alentour, en nous, frissonne
Résurgence d'une âme forte
Qui nous inspire et nous conforte.

juin 2012

Publié dans Portrait

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