Métro
La rame du métro souffle siffle, lamproie
Qui feule et se lamente, on dirait qu’elle broie
Quelque chose, devant, morne et vivante proie.
Brusquement emporté de station en station
Marchandise, floué, terne et sans émotion,
Le peuple de Paris fuit vers une illusion.
Dans ce flux continu chacun va se poussant,
Au long d’une coursive où l’on devient passant,
Sous la faïence blanche, blême, se pressant.
Jour après jour encore sur un sol gras de crasse
Toutes ces âmes nues deviennent une masse
Se frôlant en sa nasse, lasse, qui s’efface.
Solitude, la nuit, sous les néons blafards
Y traîne sa misère, à l’abri des regards,
Avachie sur les quais, malmenant les clochards.
Dans ce monde poisseux, souterraine imposture
Où l’homme se déprend de l’humaine nature,
L’espérance est en fuite, ainsi la chose impure.
avril 2006