Galion de misère
1.
Épuisé de ce dol où, folle, ma douleur,
En mon âme broyée appose sa part d’ombre,
Je trace ma misère au seuil de cet estran,
Étranger à la rime où mon verbe dérive.
Arrimé à ce port, ma rive est une esquive,
Un môle, forfaiture où mène chaque intrant,
Comme berger des mots, promis à la pénombre,
Aux grappes du non dit dont je suis le fouleur.
Noir, le vin de ma vigne est lourd et capiteux,
Un vertige d’ego où l’ivresse est un don,
Une équinoxe d’or aux marées d’infini.
Voyez ce fou bavard qui offre son pardon
Aux nuées, dans l’azur que frôle son déni
Comme un prince blessé, solitaire et piteux.
2.
Je suis l’opaque front que la lune proscrit,
Ce Pierrot désâmé ne sachant que danser,
Mime, dedans l’obscur, incompris du grillon
Sciant l’onde des nuits d’un impossible rêve.
Et, dans l’empreinte nue dessinée sur la grève,
Qu’une vague bientôt emporte à l’horizon,
Je suis trace, rumeur, une ombre à cadencer
À laquelle la mer en ses embruns, souscrit.
Aux rocs, aussi l’écueil, j’ai promis ma chanson,
À l’épave noyée que seule, algue défend,
Galion de misère, infortune de mer.
En l’abîme profond des vers que je refends,
Sont en mes flancs crevés mémoire de Sumer,
En mes runes l’aloi qui fera ma rançon.
janvier 2011