Vieille ravaudeuse
S’il s’en revient, le jour, et que je suis céans,
Pareil à moi, encor, le cœur face aux néants,
Béant dessous la nue comme un caisson d’horloge,
Dans l’absence obstinée que le doute proroge ;
Dis-moi, vieille camarde si tu viens me prendre,
En l’allure d’un jeu où n’ai rien su comprendre,
Ne seras-tu flouée en tes vains équipages,
Qu’auras-tu à glaner de mes tristes parages ?
Oh certes, je le sais il faut payer tribut,
Mais au terme bientôt, où je suis ce rebut
Quel compte, quel écart, enfin quelle entourloupe
À ce cœur épuisé, brûlé comme l’étoupe ?
La parade des gueux - je fus de ces cortèges -
N’offre qu’un peu de vent à tous tes sortilèges,
Et, reine d’agonie, tu es bien peu méchante
Qui saisit la misère où toute aube déchante.
Allons, vieille catin, tu ne nous effraies pas,
Et les fous comme moi s’arrangent du trépas :
Va, vieil épouvantail effrayer le bourgeois,
Sa mine, sa sueur, toutes ses mornes joies !
Au moins tu me contentes, vieille ravaudeuse,
Qui nivelle en l’instant la superbe orgueilleuse
Du puissant, pourrissant en la bave du suaire
Tout comme l’indigent aux piles de l’ossuaire !
janvier 2013