Moïsme
Le jeu du « je »
Est un jeu populaire.
Il se joue à plusieurs.
Il s’agit de couper la parole à autrui,
Dans un cénacle d’’imbécile,
Et de dire
Le plus souvent
« Moi je... »
Suivi d’une phrase dont le contenu
N’a aucune importance.
Dans certaines contrées
On l’appelle aussi le jeu du « Moi »,
D’apparence anodine,
Il a cependant induit
Un nouveau courant philosophique,
Le « Moïsme ».
Le Moïste considère
Que sa parole
Est la seule qui importe ;
Sa pensée,
Sa petite vie,
Ses petites affaires,
Ses petites misères ;
Ses minuscules amours,
Et les vastes problèmes
Qui ne se posent qu’à lui :
Bouffer,
Béer,
Baiser,
Bailler ;
Et surtout ne jamais
Perdre l’occasion
D’en informer le monde entier.
Sans rien entendre,
Sans rien voir,
Sans empathie,
Sans intérêt ;
Avec pour seule borne,
Son ego surdimensionné,
L’autre en cela n’existant
Que comme brosse à reluire,
Faire valoir
Ou bien miroir
De ce vide sidérant,
Qui s’exprime et dégoise,
Et fait
De sa propre personne
La seule, l’unique, l’indispensable
Mesure de l’univers
Et son mètre étalon.
août 2015