Futur sombre
Cela me sert parfois, à refermer ma porte ;
Je n’ai plus tant de temps pour le dilapider.
Je dis « j’ai le cancer » et les gens restent cois,
Surtout les importuns, les marchands d’inutile.
Et je retourne voir la muse versatile,
Qui me fait oublier cette impossible croix,
Cette mort en ma chair en train d’invalider
Le délai que j’avais avant qu’elle m’emporte.
Je me sens raccourci de toutes mes idées,
Je n’ose plus penser au lendemain du jour,
Je vis, c’est déjà ça et l’instant dure assez
S’il conduit mon présent pour un moment encore.
J’enlumine de mots la page qui pérore,
Me lirez-vous jamais, vous, ombres qui passez,
Silhouettes éparses dans mon contrejour,
De la nocturne instance inertes affidées ?
Je n’étais rien de plus, parmi vous qu’une autre ombre,
Je me suis contenté, bien souvent, de rêver,
Mais notre esprit sait-il bien faire différence,
Entre le souvenir et le songe, en notre âme ?
Je ne suis déjà plus, consumé en la flamme,
Qu’un éclair passager dans la nuit de l’errance,
L’heure n’est plus, enfin, où je vais m’élever,
L’obscur est la tanière de mon futur sombre.
Mais je rirai, bien sûr, à m’en trouer la gorge,
Par bravade, par goût, pour teinter le néant,
L’angoisse n’est qu’un lieu que je n’habite pas,
Et la danse macabre vaut une bourrée.
Mais de chaque seconde, extase savourée,
J’apprête en ma cuisine un plantureux repas,
Demain est assez loin pour un bonheur, céans,
De cette algèbre là je fourbirai ma forge.
octobre 2015