En la physique nue
Ici sont advenus de vigoureux propos,
Le vers, en cet estran, me laisse sans repos,
Tant de choses en moi, vil chevet de la muse,
Paraissent à ma voix qui m’est comme une intruse.
J’étais taillé et fait, plutôt, pour le silence,
La solitude au vrai, ne fut jamais offense
À cette brume étrange, au faîte de mon âme
En cette vasque obscure où vacille ma flamme.
Je garde cependant cachée sous le boisseau,
Ce cours, parfois torrent, mais plus souvent ruisseau,
Qui bruit sa mélodie au mitan de ma berge,
Où je viens au matin comme un espoir converge.
Je ne sais rien saisir en l’instance du verbe,
C’est lui qui vient à moi de mystérieuse gerbe,
Et me donne à brassée la moisson des tenures
Et ces rimes aux bois cueillies comme les mûres.
Mais ces ronces parfois contiennent fleurs sanglantes,
Et je voudrai les fuir car sont désespérantes,
Lorsque l’abime s’ouvre, à conduire l’émoi
Au bord de ce désir et son amer charroi.
Est-ce toi qui retient ma main dans la tourmente,
Doux fantôme lointain dont ma chair se lamente,
Etoile au firmament du fidèle berger
Qui mène en ta pâture un songe à émerger ?
Lisière en moi toujours en la crête accessible,
Horizon sur ma vie comme un chœur invincible
J’ai ma demeure en toi, ma parole est ton île,
Dialogue à l’impromptu né de l’heure subtile.
Je m’en vais, sans effort, à croiser sur tes pas,
Ma défunte, ma sœur que je ne connus pas,
Altérité profonde en moi comme une gemme,
Où se compose, échange, une trame au poème.
Ainsi, plus que divers je suis double, céans,
Et je te porte, marge, en l’intime néant
Où tu frémis encore à ma lèvre, diseuse,
Oh, ma bonne aventure en la chair oublieuse !
Mais que t’ai-je donné ? Que fut ta récompense ?
En quel éther joyeux fis-tu ta contredanse,
Et serons-nous jamais de l’intime fratrie,
En la physique nue qui est notre patrie ?
juillet 2013