Aux limbes du grimoire
J’ai ma parure au lieu qu’on nomme l’écriture,
C’est mon pays, ma borne aux frontières du vide,
Je m’y révèle et m’y contient, et m’en évade,
Mais viens chaque matin en fouler le limon.
Je n’ai de mat de hune, non plus d’artimon
En la coque de noix dont je suis l’algarade,
Mais à mon encre enfin toute question s’élide,
Songes mes voiles sont autant qu’une imposture.
Devant l’aube je bats ma coulpe, solitaire,
Encombré de l’antique et plein d’obsolescence,
J’y cherche l’infini sur la courbe des rimes,
Dans le compte à rebours des dodécasyllabes.
Mais l’océan est vierge où vont mes astrolabes,
Même riantes eaux recouvrent les abîmes,
Sous la solaire issue il n’est que décadence,
La tombe, à nos échos, est l’adjudicataire.
Va, grave pauvre fou, aux limbes du grimoire,
Ce peu de choses sues dont tu fais ton mystère ;
L’éternité du marbre est promesse de vent,
Tes pages vaqueront, telles jonchées d’automne.
Aux brisures du jour où notre âme s’étonne,
Il n’est plus que l’écueil et nos cœurs le trouvant,
Le naufrage est inscrit au large d'une terre
Où se perdent les cris, la rive et la mémoire.
mai 2013