Contrefort de l’absence
Mais s’il me reste un peu de temps,
Si ma chandelle, consumée,
Jette au hasard ses derniers feux ;
Flammèche suis, parmi les gueux,
Ma geste, vite résumée
N’y saurait luire encor longtemps.
Rendu au bout de mon présent,
Maillage qui se détricote,
Ma rime, ici, n’a point de port.
En notre chair pense la mort,
Pauvre âme tu n’a plus la cote,
L’écume ne rompt le brisant.
Notre demeure est le néant
Où frémit toute particule :
Le vide est une génitoire.
Paradoxe de notre histoire,
Quel oxymore majuscule
Où le possible est là, béant.
L’éternité gît dans l’infime,
L’édifice en nous se défait,
Le matériau, seul, en demeure.
Et devant les battues de l’heure
Le divin est songe imparfait
Qui vient flouer la part intime.
Leurres, nos temples sont des iles,
Les marchands de crédulité
De leurs mensonges font un livre.
Le savoir est là qui délivre,
Seuil de l’universalité
Où s’abiment nos corps ductiles.
C’est ainsi, il nous faut passer,
La tombe s’ouvre et nous renferme
Dans le contrefort de l’absence.
Le doute est là, dans le silence
Et nous le portons comme un germe,
Mer sans cesse à nous ressasser.
novembre 2014