Humble dévotion
Si je ne reviens pas de mon prochain voyage,
Puisque je vais auprès de l’Hadès entrouvert,
Puisque je vais toiser les rives d’Achéron,
Puisqu’Orphée, de son chant, ne saurait m’en extraire ;
Si le néant, demain, à ma course contraire,
S’en vient happer ma vie en l’ultime horizon,
Et qu’aux sombres nuées, mon songe, à découvert,
Se dissipe à jamais dans la fin de mon âge ;
Si je ne suis plus rien qu’une absence à vos pas,
Amis, je vous en prie, ne portez pas mon deuil.
Venez plutôt céans, cueillir entre ces pages
D’une ancienne mémoire une gerbe, en passant.
Je ne serai plus rien que ce verbe impuissant,
Une ondée dans la bruine aux remords des nuages,
L’embrun effarouché au charroi de l’écueil,
Un cercle refermé en l’éternel compas.
Je ne veux rien de plus que cet humble tribut,
Aux lèvres murmuré, à l’orée du silence,
Fragrance à votre doute en l’absurde du temps,
Escarre de nos jours qui fait de nous sa proie.
Si ma peine s’y trouve, y demeure ma joie,
Le miel, à fleur de sel, de nos libres instants,
Et cette empreinte heureuse aux marges de l’errance :
J’en ai gardé l’aimable et jeté le rebut.
Si, par fidélité, vous tentez l’aventure,
Et lustrez de ces vers la trame où la métrique,
Pour y quérir le feu, la glace où l’émotion,
Lors nous cheminerons quelque peu de concert.
Nous en retournerons au silence disert,
Par delà le miroir, en humble dévotion,
Comme on cherche à saisir au chant d’une harmonique,
L’écho qui contredit l’amère sépulture.
20 juin 2014