Dans le geste d’écrire

Publié le par Lionel Droitecour

... L’esseulé, le perclus, forclos de l’affection, dont la houle combat l’écueil couvert d’écume ...

... L’esseulé, le perclus, forclos de l’affection, dont la houle combat l’écueil couvert d’écume ...

Pour marquer les quatre années d'existence de mon blog, chaque jour de mars 2018,
je publierai deux poèmes, le second étant une réédition de l'un de ceux
publiés en mars 2014. Le choix de ce dernier sera celui du cœur...
Ne sommes-nous, au bout du compte, que le chemin tracé, la chance ou le hasard étant notre seul guide, la brume sur le port comme unique pavois ; le doute, à l'horizon ainsi l'ultime chœur, et le paraître, en nous comme polygraphie, aux rives de l'absence.

 

L’enfant s’instruit d’un monde s’il lui dit : « parcours ! »
En chaque instant qui passe, avant le premier pas,
Avant même le jour, dans le sein de sa mère,
Son âme déjà croît, recherche la lumière.

Heureuse cette rade, en la prime matière,
Où la hune frémit sous la brise éphémère,
Voilure dont l’amour ne se dérobe pas,
Pavoisée dans l’azur des rêves aux longs cours.

Mais le pauvre fétu de ses propres ressorts,
Condamnés par l’aigreur des marches du gros temps,
L’esseulé, le perclus, forclos de l’affection,
Dont la houle combat l’écueil couvert d’écume ;

Celui dont l’horizon, toujours noyé de brume,
Couve le gouffre amer de la déréliction ;
Celui dont le désir immole, à contretemps,
En l’amarre déçue l’élingue du remords ;

Tel qu’il se heurte enfin, en l’urne solitaire,
Naufragé de rencontre où bat sa coulpe noire
Dans l’appel insidieux de la dépression
Quand tout semble perdu, des simples joies d’errer ;

Celui là me ressemble, onde à désespérer
Dans sa rime, au déchant d’une morne scansion.
Le poème découd les fils de la mémoire,
Dans la trame inconnue d’une pensée grégaire.

Ainsi va l’enfançon façonné par le dire,
Dans le verbe de l’autre avant sa propre voix,
Désigné, comme un isthme, en la géographie
Des mappemondes nues inquiètes sous le vent.

Et je cherche en ces lieux une trace souvent,
De l’être que je fus dans la polygraphie
Des ombres du paraître où je trouve ma voie,
Sentes d’obscurité, dans le geste d’écrire.

mars 2013

Publié dans Résilience

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A
"J'espère que tu ne range pas ma poésie dans le même rayonnage, mon ami, cela me ferai bien de la peine..."<br /> <br /> Non, pas du tout !! :-D<br /> <br /> C'est juste que certains mots font invariablement surgir en nous des images ou des textes, ainsi en va-t-il du mot "déréliction" que j'avais entendu pour la première fois dans cette chanson.<br /> Il est d'ailleurs rarement utilisé, ton site est le seul endroit où je l'ai retrouvé...<br /> <br /> "Je me demande souvent si je suis encore lisible dans notre monde contemporain où je me sens de plus en plus étranger"<br /> <br /> Tu es très lisible par ceux qui encore les yeux pour lire (et saisir), j'espère qu'il en reste beaucoup, même dans le monde content-pour-rien !
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A
Rien à voir avec ton beau poème, mais à chaque fois que je vois le mot "déréliction" je ne peux m'empêcher de penser à la chanson des Inconnus "Vice et Versa" où il apparait dans toute sa "splendeur dialectique" : https://www.youtube.com/watch?v=ZTeqM5gciH8<br /> <br /> Ci-après les paroles de cette oeuvre mythique, où "Le bonheur est à deux doigts de nos pieds" :-D<br /> <br /> L'hémorragie de tes désirs<br /> S'est éclipsée sous l'azur bleu dérisoire<br /> Du temps qui se passe<br /> Contre duquel on ne peut rien<br /> <br /> Être ou ne pas être<br /> Telle est la question<br /> Sinusoïdale<br /> De l'anachorète<br /> Hypocondriaque<br /> <br /> [Refrain]:<br /> Mais tu dis (Mais tu dis)<br /> Que le bonheur est irréductible<br /> Et je dis (Et il dit)<br /> Que ton espoir n'est pas si désespéré<br /> À condition d'analyser<br /> Que l'absolu ne doit pas être annihilé<br /> Par l'illusoire précarité de nos amours<br /> Destituées<br /> Et Vice Et Versa (Et Vice Et Versa)<br /> <br /> Il faut que tu arriveras<br /> À laminer tes rancoeurs dialectiques<br /> Même si je suis con ...<br /> ... vaincu que c'est très difficile<br /> <br /> Mais comme moi, dis-toi<br /> Qu'il est tellement plus mieux<br /> D'éradiquer les tentacules de la déréliction<br /> Et tout deviendra clair<br /> <br /> [Refrain]<br /> <br /> D'où venons-nous?<br /> Où allons-nous?<br /> J'ignore de le savoir<br /> Mais ce que je n'ignore pas de le savoir<br /> C'est que le bonheur<br /> Est à deux doigts de tes pieds<br /> Et que la simplicité réside dans l'alcôve<br /> Bleue, jaune, mauve et insoupçonnée<br /> De nos rêveries<br /> Mauves et bleues et jaunes et pourpres<br /> Et paraboliques<br /> Et Vice Et Versa<br /> <br /> [Refrain variante]:<br /> Mais tu dis (Mais tu dis)<br /> Que le bonheur est irréductible<br /> Et je dis (Et il dit)<br /> Que ton espoir n'est pas si désespéré<br /> À condition d'analyser<br /> Que l'absolu ne doit pas être annihilé<br /> Par l'illusoire précarité de nos amours<br /> Et qu'il ne faut pas cautionner l'irréalité<br /> Sous des aspérités absentes et désenchantées<br /> De nos pensées iconoclastes et désoxydées<br /> Par nos désirs excommuniés de la fatalité<br /> Destituée<br /> Et Vice Et Versa
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L
Très beau texte, je me suis souvent demandé lequel duquel des trois d'un cône nu lavaient concocté...<br /> Ils se moquent ici sans vergogne d'une certaine poésie qui tend à l'élucubration hermético-lexicale où l'on cale dès après le premier vers (m'y fuge).<br /> J'espère que tu ne range pas ma poésie dans le même rayonnage, mon ami, cela me ferai bien de la peine...<br /> Je me demande souvent si je suis encore lisible dans notre monde contemporain où je me sens de plus en plus étranger. Être rangé dans ces transes, hé te rend ange éther en geai. Sans danger, heureusement.
A
Beau poème Lionel ...<br /> <br /> Alors un clip pour l'illustrer : "Je suis un SDF" ...<br /> <br /> https://youtu.be/SDICn3unYEE<br /> <br /> @t<br /> alain
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L
Merci pour la découverte, cher Alain, il reste donc des artistes authentiques !