En ma forêt de vers
Comme un enfant meurtrit dans les bras d’un vieillard,
Je porte ma douleur dans la travée des jours,
Presque silencieux et dépourvu d’amours,
Qui cherche une harmonie dans le moindre regard.
Oh, cette solitude au sein des multitudes,
Cette rime muette au bout de l’hémistiche,
Ce cœur qui toujours manque au défaut de la friche,
Et ce doute en repli des mornes hébétudes.
Et il faut, malgré tout que je donne le change,
En chaque pas perdu au devers de l’attente,
Et puis que je résiste, au sommet de la pente,
À dévaler ce cri que ma parole engrange.
Dans le vague sourire où se perd ma tristesse
Geint une dérision que nul ne semble voir,
Suis-je cet Arlequin sur les tréteaux du soir
Qui bascule en la nuit grimé d’une liesse ?
Il est en moi le mal en ce dol qui m’élance,
Et ce fol attirail de névroses goulues
Verbeuse espérances que j’avais moulues,
Au redan misérable où se meurt ma substance.
Je survis à ce lieu qui me semble un désert,
Je ne l’aurai peuplé que de vagues chimères,
Fredonnant le refrain des ariettes amères,
Rumeurs à petit bruit de mon graphe disert.
Et, dans l’ombre où je suis, noyée d’un clair-obscur,
Je ne distingue plus que d’autres masses sombres,
Murailles effondrées de mes propres décombres,
Plaines inaboutie où tangue un chant obscur.
De cette mélopée je me fais une armure,
En ma forêt de vers cherchant une clairière,
Parmi les frondaisons qui masquent la lumière
Exposant en secret mon intime blessure.
juillet 2015