Vieilles amours

Publié le par Lionel Droitecour

Mon cher vieux papa, tout jeunet sans doute sur les bords du cher, à Montluçon

Mon cher vieux papa, tout jeunet sans doute sur les bords du cher, à Montluçon

1.
Parfois je me souviens la geste de mon père,
Habitudes, vêture et façon d’exister,
Tout ce qui, désormais, n’est plus qu’en ma mémoire.

Nous sommes ce murmure au bruit que fait l’histoire,
Sous de vastes renoms que l’on aime à citer,
Tels Augustes, ces rois, capitaines de guerre.

Ces savants, ces fameux, tous ceux du dictionnaire,
Qui furent destinées que le marbre excitait,
De leur vivant déjà, statufiés dans la gloire.

2.
Mais les humbles, les gueux, ceux qui sans fin peinaient
Aux chemins de traverse et dans l’obscurité,
Qui, sincères, marchaient, leur âme en bandoulière.

Ils ont moulu leur grain, peu à peu, sur la terre,
Ces petites amours en petite cité
Qui lentement, sans cesse ont poussé leurs années,

Chagrins après soucis au fil de leurs journées.
Ceux là, dont l’écheveau s’en va sans vanité
Ne sont que cendre, un peu, sous un peu de poussière.

3.
En l’écho suranné de leurs vieilles amours
S’inscrit la remembrance en un cœur assiégé,
Citadelle improbable emmurée dans des mots.

Ils creusent leurs fossés aux rives de l’ego,
Je suis, je fus, j’étais et l’on se sent piégé
Au dire qui nous porte et nous pousse toujours.

Hâbleur, dans l’argutie et la plainte des jours,
Quotidienne rumeur au paraître figé,
Antre à nos cœurs sans joie, dans l’espoir du repos.

décembre 2006

Publié dans Souvenirs

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T
je suis d'accord avec notre ami Avisferrum a écrit.
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A
"Sur la question de savoir ce qui pousse un être à écrire, il me semble que c'est, pour ma part, un moyen de rendre un peu la parole à ceux qui sont désormais passés, comme les feuilles des arbres, en attendant un improbable printemps..."<br /> <br /> Tu fais bien plus que de leur rendre la parole, cher ami, je dirais que ta plume révèle ce qu'il y avait de meilleur en eux, toutes les qualités qu'eux-mêmes n'ont probablement jamais pu exprimer de manière aussi poétique et lumineuse... <br /> <br /> Ces êtres disparus ont le privilège rare d'avoir en toi un biographe de grand talent, témoin de leur passage en ce monde, et tes lecteurs la chance de pouvoir partager une partie de leur existence, de les connaître un peu aussi, comme si le temps était aboli par la poésie, peut-être même que la poésie révèle qu'au final le temps n'est qu'une illusion, seul existe l'éternel présent et la conscience dans laquelle toutes nos vies se déroulent...
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A
"Parfois je me souviens la geste de mon père,<br /> Habitudes, vêture et façon d’exister,<br /> Tout ce qui, désormais, n’est plus qu’en ma mémoire"<br /> <br /> Très joli poème sur le souvenir, comme tant d'autres en ces lieux... Merci !
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L
Sur la question de savoir ce qui pousse un être à écrire, il me semble que c'est, pour ma part, un moyen de rendre un peu la parole à ceux qui sont désormais passés, comme les feuilles des arbres, en attendant un improbable printemps...