Dans ma guérite

Publié le par Lionel Droitecour

Victor Hugo (1802-1885) manuscrit, "Oh ! N'insultez jamais une femme qui tombe !",1835, extrait

Victor Hugo (1802-1885) manuscrit, "Oh ! N'insultez jamais une femme qui tombe !",1835, extrait

La faute en est à nous. A toi, riche ! à ton or !
Cette fange d'ailleurs contient l'eau pure encor.
Pour que la goutte d'eau sorte de la poussière,
Et redevienne perle en sa splendeur première,
Il suffit, c'est ainsi que tout remonte au jour,
D'un rayon de soleil ou d'un rayon d'amour

 

Ma relative solitude,
Je l’exerce au milieu du monde,
Dans l’interstice ou l’amplitude,
Au fragment de chaque seconde.

Et, dans la presse où je m’isole,
Où me rencogne en chaque coin,
En chaque recoin, la parole
Me vient, me trouve et me rejoint.

Lors, je griffonne à l’envolée,
Adossé là où je m’emmure,
Chaque rime, je l’ai volée
À mes lèvres, tel un murmure.

Ainsi je vaque où va la muse
Qui toujours croise sur mes pas,
Désormais j’en connais la ruse,
Un carnet ne me quitte pas.

Partout, au chemin de l’attente,
Plutôt que cultiver l’ennui,
Vil gribouilleur en ma patente,
Je commerce jusqu’à minuit.

À pied, dans le train, dans la foule,
Trottineur en sonnets vernis,
J’avance aux trames que je foule,
Ainsi l’esthète a ses garnis.

Je ne sais le coût de ma soupe,
J’ignore le goût de ce plat,
Le verbe me tient sous sa coupe
Et le vers sur son galetas.

Oyez, manants, marauds, ma gigue,
Dansez si, lestes, l’osez :
Je ne suis pas de votre ligue,
Je chante où vous me névrosez.

Qu’importe ce que l’ode en vaut,
Qu’importe ! En vain je mirlitonne,
Au ciel, je laisse le dévot,
Au néant sa morne couronne.

Je suis, dans l’orbe de l’instant,
Pareil au fol, le plus souvent,
Ou bien à l’étal du printemps,
Passant du jour, au gré du vent.

Ce que demain sera ma volte,
Ce que sera mon contrechant,
D’autres en feront la récolte,
Et je vais seul au soir couchant.

Je me retrouve où je m’abime,
Je me retranche en ma pensée,
Devant le caveau de l’intime
Où fleurit ma courbe sensée.

C’est la retraite où je m’anime
En l’axe gris du quotidien,
Curieux de l’ombre magnanime,
Curieux de chaque méridien.

En ma vigie, dans ma guérite,
Je ne vois pas ce qui survient,
Modeste, sobre et sans mérite,
Voici : ma coulpe me contient.

juillet 2013

Publié dans Art poétique

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