Escortés de l’azur
1.
Ami je t’ai reçu, souvent à cette table,
Nous parlions de nos vies, entrechoquant le verre,
Futiles, nous aimions les plaisanteries grasses
Où la ficelle est grosse et fumeux le déboire.
Puis je t’ai mieux connu, tu m’as dit ton histoire,
Pudique, tes soucis, contée de trace en traces
Aux rides de ton front, soudain grave et sévère,
La lie du lourd chagrin, qui, sans fin, nous accable.
Nos âmes étaient sœurs et nos peines jumelles,
Nous avions, pas à pas, subis mêmes déroutes
Et, par d’autres chemins trouvés le même port.
Désormais, de concert et d’un même transport,
Nous luttons pieds à pieds dans nos sombres redoutes
Contre le sort mauvais et ses tristes séquelles.
2.
Nous savons toi et moi que c’est peine perdue :
La camarde est là-bas qui tresse sa couronne ;
Mais le bal est joyeux où le vent nous emporte
Il gonfle la voilure et la mer est ardente.
Certes, les cieux sont bels, le soir, à notre attente,
Enivrés sous l’azur, ils nous font une escorte,
L’éphémère joue là sa danse, et papillonne
Quand la course est volage et la vague éperdue !
Quelque soir il faudra, pour sûr, payer la note
Au destin grippe sou, avare de la joie,
Quand l’huissier du malheur empochera la mise…
Qu’importe mon ami, vois-tu, que je te dise :
La mort est ce mensonge où la peur nous dévoie,
Du bûcher de l’angoisse sectatrice dévote.
mai 2010