En l’éternel miroir
... Il est temps que je passe, et ma source, chétive, qui va se tarissant coule comme l'on pleure ...
Je me suis enivré de musiques, de mots,
Et j’ai vécu la vie des hommes sans passion,
Quoiqu’il en soit mon temps approche de son terme,
Je ne sais rien de plus que ce qui me questionne.
Dans sa trépidation la foule m’environne,
Le monde, devant moi le plus souvent se ferme,
Je ne me connais plus en cette interaction
Où le factice n’est qu’un amas de grumeaux.
Face au bruyant chaos je bouche mes oreilles
J’essaie de retrouver une sente, à l’écart,
Mais le moderne Eden, en sa centrifugeuse,
Ne cesse d’enfanter le vulgaire en sa fange.
Je me sens, ici-bas, comme un vestige étrange,
Né d’un temps révolu qui paraît une gueuse,
La décence, l’honneur, la pudeur et l’égard
Barbouillés de médias en leurs verbeuses treilles.
Je ne me souviens plus si j’ai cru ou rêvé,
Sans doute j’ai aimé, lentement, en silence,
Si je fus, c’est certain, je ne sais où demeure
Le prochain horizon de mon ultime rive.
Il est temps que je passe, et ma source chétive,
Qui va se tarissant, coule comme l'on pleure ;
Si la mousse, effleurée, s’est mouillée de ma stance,
C’est bien assez, déjà, pour un ciel achevé.
Je marche sans dédain dans les travées du soir,
Et la voûte des cieux me parait une invite,
Sans le moindre remord je fermerai les yeux,
Mon espérance emplie d’une douceur mystique.
Dans un vaste concert j’étais une harmonique,
Fétu sans apparat dans un flux mystérieux,
Ne vous désolez pas si demain je vous quitte,
Qui sait ce qui nous sonde en l’éternel miroir ?
juillet 2014