Pareils à l’insensé
Tant pis, nous l’ignorons, mais chaque instant est rare,
‒ C’est heureux, quand celui-ci nous navre,
Mais la plupart du temps, inabouti, il passe,
Morne, dans l’invécu d’une existence lasse.
Nous n’en retenons rien. Même le souvenir,
Hélas, est illusion pour duper l’avenir,
Et nous nous bricolons, dans l’inerte, ce havre
Où vivre c’est vieillir en ce qui nous dépare.
Et sans cesse floués de nous-mêmes, béance,
En l’entropie du jour gaspillons nos essors,
Comme ce ménestrel effaré de son chant
Qui gravit, sans désir, sa prochaine géhenne.
Nous errons, harassés de notre propre peine
Sordidement parés de cet obscur déchant,
Pantin effiloché par ses propres efforts,
Immuable trajet de notre déchéance.
Oh, certes, demeurons au seuil de l’impensé,
Dans ce calendrier qui parait un plenum,
Et chante, bariolé, notre futur en cendre,
Dans cette litanie où notre âme est à vendre.
Et, bradés aux marchés de notre indifférence,
Atones, vil troupeau, nous suivons la cadence,
Tic, tac, où va l’horloge en ce triste barnum
Délavés, sans un cri, pareils à l’insensé.
mars 2015