Dans le temps du rebours

Publié le par Lionel Droitecour

... J’ai porté ma souffrance au bloc opératoire, on a ôté de moi la tumeur assassine ...

... J’ai porté ma souffrance au bloc opératoire, on a ôté de moi la tumeur assassine ...

1.
Je ne sais plus son nom, mais me souviens de lui
Comme d’un grand gars maigre. Enfant, ce qu’on ignore
En soi on le pressent confusément inscrit,
Et l’angoisse des mots marque l’âme en éveil.

En ce qui n’est point dit, à un masque pareil,
Le gamin innocent perçoit le manque écrit
Et l’interprète, hâtif, des pensers qu’il colore,
Comme en un ciel couvert un vague rayon luit.

« Dès demain, disait-il, je vais à l’hôpital
Me faire charcuter… » Quelque chose, en suspend,
Au revers de la phrase, éludait le silence.

Ce n’est qu’un bref éclat, un souvenir d’enfance,
Une ombre évanouie, écho qui me surprend
Moi qui désormais perd de mon élan vital.

2.
J’ai porté ma souffrance au bloc opératoire,
On a ôté de moi la tumeur assassine,
Je n’ai pas recouvré ma santé d’autrefois,
J’attend la rémission en mon propre retour.

En ma sente volage, imprévu, ce détour
Obère un avenir, et je songe parfois
Que ma tombe est ouverte, où la chair se destine
Au verbeux mausolée que sera ce grimoire.

Et voici, ce regard de jadis me revient,
Le trouble de mon père et sa gêne palpable,
Sa parole trahie qui se perd et s’épuise.

Et mon propre mutisme où désormais je puise,
À l’autre bout de l’âge un décor misérable,
Dans le temps du rebours la rime qui convient.

novembre 2014

Publié dans Fongus

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A
"Sans doute que notre mémoire fonctionne en peu hors de notre contrôle, par analogie des sensations et des circonstances..."<br /> C'est tout à fait vrai... Les odeurs notamment sont de puissants déclencheurs de sensations ! <br /> Pour ce qui est de la mémoire je me demande si on ne peut pas la comparer à notre informatique (qui n'est de toute façon qu'une imitation ou une résurgence de choses existantes ou ayant existé, comme tout ce que fait l'homme) <br /> J'ai lu quelque part que la mémoire globale de l'Univers dialectique pourrait être comparée à une gigantesque base de données (la Matrice) où chaque individu se voit attribuer un petit espace personnel qui lui est réservé mais n'a pas les "droits" pour accéder à la globalité.<br /> Le ou les "programmeurs" peuvent par contre accéder à notre espace personnel, bien entendu...<br /> L'espace personnel et les droits sont définis par une forme de "code d'accès", comme en informatique. Si je n'ai pas le code ou mot de passe je n'entre pas dans une base protégée (sauf si je suis un hacker !)<br /> Ce code a été défini par le ou les "programmeurs" : il apparait (entre autres ?) dans notre ADN.<br /> Et même dans notre petit espace dédié (variable selon l'entité) nous n'avons pas forcément accès à toutes les données, le "conscient" n'en est qu'une petite partie, comme en informatique existe tout un programme qui fonctionne en toile de fond dont le commun des mortels n'a même pas conscience, se contentant de ce qui s'affiche sur son écran, en fait bien peu de choses, pour tout dire une illusion totale !<br /> Notre manière de fonctionner dans notre petit espace est quant à elle définie en grande partie par la société dans laquelle nous vivons, nos éducation, croyances, conditionnements, traumatismes, désirs etc.<br /> Entre ces "espaces personnels" et la Matrice globale a lieu un échange permanent, dans un sens comme dans l'autre, sauf que la majeure partie des informations qui vont d'elle à nous n'arrivent pas à notre conscience, limitées par notre ADN, justement, mais aussi par notre ignorance, notre conditionnement et notre sommeil profond.<br /> L’Éveil serait néanmoins possible, par la prise de conscience et la méditation.<br /> Pourquoi pas, après tout, même si bien évidemment ce ne sont que des hypothèses, une piste de réflexion... qu'on peu facilement approfondir car elle expliquerait bien des choses ! :-)
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L
Sur un registre un peu différent que le souvenir, je dirai :<br /> <br /> <br /> <br /> Que l''inconscient apparait des fois, même souvent, par ce que les psy appellent ," La répétition":des actes qu'on reproduit à notre insu , à chaque fois sous des formes un peu différentes, tout le long de notre vie .<br /> <br /> <br /> <br /> Lorsque cette répétition est pathologique , qu'elle fait mal ,qu'elle pose d'une manière évidente question ,elle peut devenir consciente ..<br /> <br /> <br /> <br /> A l'Homme alors d'avoir ou non une action consciente sur cette répétition ...
L
Il n'y a plus rien à dire suite aux commentaires d'Avisferrum..<br /> <br /> On garde en soi les émotions ..., c'est ce qui fait qu'on s'en souvient...,
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A
Marrant comme on peut garder le souvenir de choses en apparence insignifiantes, qui pourtant s'inscrivent en nous... <br /> Ce beau poème le décrit très bien, on est marqué moins par les mots en eux-mêmes que par les réactions qu'ils provoquent. <br /> Cette flagrance subtile soudain nous entoure et parle à notre âme, qui perçoit en un instant et comprend bien plus de choses qu'auraient pu le faire nos oreilles et notre intellect.
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L
N'est-il pas étrange que les aléas de la vie fassent soudain resurgir en nous les bribes d'un passé enfoui, souvenir que nous pensions oubliés, et qui s'imposent en demi-teinte avec vivacité.<br /> Sans doute que notre mémoire fonctionne en peu hors de notre contrôle, par analogie des sensations et des circonstances...