Rodomontade

Publié le par Lionel Droitecour

Honoré Daumier, (1808-1879), un matamore

Honoré Daumier, (1808-1879), un matamore

Je vais porter ma viande à l’étal du boucher
Tantôt, pour qu’il découpe un méchant carcinome,
Un fongus, un cancer, la bête qui me ronge :
La camarde s’en rit, elle aiguise sa faux !

Ma vieille, si tu veux, prend-moi donc en défaut,
Essaye donc un peu de raccourcir ma longe,
Je sais bien, ici-bas, que l’angoisse te nomme,
Mais devant ton guignol je ne veux me coucher.

N’espère pas de moi une seule supplique,
Ajuste ton carreau car, bien que ne sois leste,
Je vais, d’un entrechat tenter de te blouser,
De te donner un peu de mon fil à retordre.

Il me reste le verbe et ma rime pour mordre,
Ma danse, à ton macabre, et s’il faut l’épouser,
Dégingandé, hâbleur, de ma parole preste,
J’en ferai l’apparat d’une verte réplique.

Pareil au vieux Villon qui narguait le gibet,
Je planterai mon rire efflanqué à ton sein,
Pendu, peut-être bien à ton vain artifice,
Arrosant de mon suint l’antique mandragore.

De ma rodomontade, absurde matamore,
J’irai, face au néant, de ma lyre factice,
Déciller en ma stance un ultime dessein,
Au feu de paille ardent du balourd quolibet.

Et si je gagne ainsi l'improbable répit,
J’en ferai pour demain le flambeau de ma joie,
Lorsqu’au théâtre d’ombre où la Parque gémit,
Je te verrai, piteusement, battre en retraite.

Là, ma partie remise, et ta geste distraite,
Au banquet de la chair, où le muscle frémit,
À ta santé, plus qu’à la mienne, à claire-voie,
J'élèverai mes vers en ton art décrépit.

juin 2014

Publié dans Fongus

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