Le marchand d’oubli
Il est dessus l’esquive un pâle charlatan,
Bonimenteur faraud qui sans fin nous harangue,
Braillard de pacotille éventrant nos cœurs lourds
Et souillant, dans notre âme, un désir d’absolu.
Et ce marchand d’oubli en ses mémoires mortes
Empuantit toujours un peu plus, à nos portes,
L’air qu’il nous accapare en lustrant ses cohortes.
Etre libre, dit-il, c’est être dissolu,
Vaquer à son plaisir, ses pulsions, sans rebours,
S’en fourrer dans la bouche à se pourrir la langue
Comme une goule abjecte au regard de Satan.
Il est dessus nos sens un maître volubile,
Habile à promener sa trop vaste sébile
À nos regards trompés par son masque servile.
Et le monde n’est plus que ce foirail immense
Où le profit domine un peuple sans argent,
Qui fait briller sans fin une verroterie,
Un luxe d’apparat sur des écrans volages.
Et de l’homme distrait par ce désir sans but
Il se fait dans sa morgue un valet, attribut
D'un pays de misère, ainsi qu’un vil rebut.
L’être intime, pourtant, en compte les outrages
Et sait le faux semblant de cette loterie,
Société où partout se devine un sergent
Prêt à nous agonir aussitôt que l’on pense.
Le tyran n’est pas mort et ce très vieux monarque,
Moderne zélateur, en son diktat nous marque
Et nous prescrit le rôle où son vouloir nous parque.
Plèbe en la glèbe encor comme au temps de Néron
Nous le voyons détruire en jouant de sa lyre
Au nom du rendement nos ressources ultimes
Assassinant l’espoir jusqu’à son fondement.
Comme un dieu sans mesure la spéculation
Arase les sommets pour s’en faire un bastion,
Régnant sans satiété au nom d’une ambition.
Et, dociles toujours jusqu’au renoncement
Les peuples trop patients, trop longtemps magnanimes,
Tolèrent ce voyou que l’on va réélire,
Soumis aux vains arrêts de ce morne baron.
juillet 2011