Musicien de foire
Crinière échevelée, d’un dernier romantique
Il s’est fait la dégaine en rutilant esthète ;
Il prend la pose et semble défier le ciel,
Pacotille d’artiste au désir de recette.
Paganini de foire et de chambre d’écho
Il arrange toujours, vers le superficiel,
L’art des maîtres anciens pour toucher son écot,
Comme un coucou braillard déparant la musique.
Etrangement toujours ces musiciens pompeux,
Qui ne sont rien de plus qu’une enflure grotesque,
Figée dans l’attitude, épatent les gogos.
Car on les applaudit s’ils flattent les egos,
Du vulgaire ils se font un emblème en la fresque
Où l’ordinaire crie, comme en l’arène, aux jeux.
juin 2012
Pauvre Ravel, ou quand la réalité rejoint la caricature...
Hector Berlioz, ( 1803-1869 ) est un authentique génie de la musique française. Son hyper romantisme, son goût pour le fantastique, le funèbre et le triomphal, ses expérimentations dans le domaine de l'orchestration en ont fait la cible privilégiée des mauvais coucheurs et des caricaturistes de son temps. Ils s'en sont donné à cœur joie (voir plus haut, puisque c'est lui qui est représenté au milieu des cuivres et des canons d'un orchestre pléthorique, pour le plus grand désarroi d'un public dévasté). Il faut dire qu'Hector avait le verbe acéré et que, dans ses écrits, il n'épargnait guère ses détracteurs.
Il n'en a pas moins touché, à plusieurs reprises, dans son œuvre à une grâce élégiaque et à une délicatesse de plume qui charme et qui élève. Pour ma part, j'ai une grande tendresse pour l'auteur d' « Harold en Italie » et sa « marche des pèlerins », qui semble abolir le temps aux arpèges d'un alto, de « L'enfance du Christ » et du merveilleux cycle de mélodies des « nuits d'été ».
Les divers portraits qui nous restent de lui laissent néanmoins deviner qu'il prenait volontiers la pose...
Poseur, A.R. l'est sans nul doute. Musicien, beaucoup moins.
Et à écouter la vidéo qui précède, on a de quoi s'en convaincre. L'enflure est son royaume... Si vous vous imaginez qu'il joue le boléro de Ravel, et pour vous laver les oreilles de tout ce sirop, je vous conseille la version ci-dessous.
Vous remarquerez d'emblée que le Boléro original dure deux fois plus longtemps que la pâle copie d'A.R. Mais où donc est passé ce qui manque, et de quel droit ce monsieur se permet-il de jouer du ciseau ?
Je ne suis pas en mesure, puisque simple mélomane et non musicologue, de faire le tri de toutes les approximations qui émaillent ce plagiat dégoulinant. Notez seulement que là où Ravel prévoit un trombone, A.R.(ou l'arrangeur qui lui sert de « nègre » ?) en rajoute une bonne demi-douzaine. Pour faire bien gras, je suppose. Et allons-y pour le choeur qui fait ouh-ouh avant les feux d'artifices pour le final. Si les feux sont rien moins que musicaux puisqu'il faut allumer des fusées pour éblouir le bon peuple, l'artifice, lui est bien réel.
Quant à ce qui est de prendre la pose, regardez ce bouffon qui bat sa crème, pareil à un pâle métronome, un violon et un archet dans la main gauche - mais pourquoi donc, s'il n'en joue à aucun moment des longues minutes que dure cette « exécution » sur fond de roulements de tambours... ?
En vérité, ce sont les musiciens qui dirigent ce pitre.
Daniel Barenboïm, lui, impulse, impeccable, dans une quasi immobilité , mais avec une présence et une concentration qui s'imposent à tous, avant de rendre hommage à ses musiciens à la fin de son interprétation.
Cette longue digression pour dire qu'il faut fuir le « musiciens de foire » et s'approcher des sources authentiques de la musique.
Elles ne sont pas difficiles à trouver, de nos jours, et se sont elles qui nous abreuvent.