Gargouille

Publié le par Lionel Droitecour

Gargouille

Seul, comme une oriflamme élevée sur la foule,
Solitaire et hautain au milieu des visages,
Imbu et orgueilleux en toisant mes semblables,
Je suis héros vulgaire et stupide du veule.

Les hommes vaquent, vont, la gueule enfarinée,
Persuadés qu’ils portent en eux leur destin,
Quand ils marchent en rond pareils à des fourmis
File indienne, suivant, comme ceux qui précèdent,

Et comme les suivants le trajet balisé
Qui mène vers la nasse. Et là-haut, qui s’en rient,
De grands ordonnateurs gobergent à grands frais,
Payés par cette masse qu’ils bercent d’illusions.

Les maîtres de Wall Street, aussi ceux d’Hollywood,
Nouvelle et pernicieuse féodalité,
Epuisent notre rêve et nos portes monnaies,
En élevant les murs des modernes prisons.

Et l’avenir en cendre a cessé d’exister,
Au profit des marchands qui posent, arrogants,
Héritiers sans scrupule aux morgues libérales,
Voie unique où ils vont asservir et régner.

Et puisqu’on veut y croire, ainsi que nouveaux dieux,
Qui ressemblent encor aux idoles barbares,
Nous versons notre sang en pleurant nos espèces
Couvrant d’un vain argent l’autel consumériste.

Me voici, condottiere, savant économiste ;
Je conduirai le monde aux abords de l’abîme,
Emplissant mes bajoues de vos renoncements.
La guerre est le moyen, le mensonge mon arme

Et le profit mon but. Qu’importe, au bout du compte,
Que les hommes se tuent ou le monde agonise,
Pourvu que je possède et toujours un peu plus :
J’éclate de superbe aux volants des bolides

Que je mène au désert, contempler l’infamie.
Or, la panse alourdie, calé sur la misère
J’éructe mes édits, prononce mes discours,
Lance mes affidés contre qui ose encore,

S’élever contre moi. Je suis ce sémaphore
Guidant l’humanité vers sa
déréliction,
Aux rires triomphant des héros de ce temps,
Gargouille au temple vide, à pisser sur les gens.

mai 2007

Publié dans Citoyen

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