Devant le crépuscule

Publié le par Lionel Droitecour

Devant le crépuscule

Ces braves gens faisaient, humbles, métier d’humain,
Usaient la terre autant que s’y usaient leurs reins,
Toutes ces rides, à leurs fronts, comme sillons,
Leur sueur, pareille à l’eau, irriguant les pâtures.

Libres, car retenus par tant de ligatures,
Le travail, le devoir, mais loin des goupillons,
Penseurs calmes et droits, angles plus que chanfreins,
Dont l’avenir était la poigne de leur main.

Ils ont vu peu a peu périr un monde ancien,
Paysans héritiers d’un ciel néolithique,
Que la machinerie à réduit à néant,
Leur savoir ancestral traité de dérision.

Devant les fermes nues, ainsi, une élision
Semble grever la nue portée par un géant
Ivre de son pouvoir, mais niant toute éthique
Pillant le bien commun, frustre mécanicien.

Et le sol s’appauvrit, désormais, sans substance,
Dans la mort organique il n’est plus qu’un substrat,
Polluée par l’intrant la nature se change,
Brevetée par un gueux, dont le regard spécule.

Et dans le désarroi, devant le crépuscule,
Des vieillards désolés, hâves devant leur grange,
Contemplent ce futur qui paraît un castrat
Dans le sérail d’un fou, dupé par l’abondance.

juillet 2013

« C’est grâce à la séparation que nous avons installée entre nature et culture que notre science est devenue si efficace. Mais c’est à cause d’elle que la nature, finalement traitée comme si elle était à notre seule disposition, s’est peu à peu abîmée. Sans vergogne, nous l’avons marquée d’une empreinte irréversible, oubliant qu’elle était poreuse, réactive, fragile. Alors, en ces temps où elle semble se retourner contre nos assauts, où nous nous inquiétons du changement climatique, de la raréfaction des ressources fossiles, de la dégradation de la biodiversité, nous devons nous poser cette question : n’est-ce pas notre conceptualisation de la nature, fondée sur l’idée que nous serions autonomes par rapport à elle, qui avait préparé le terrain ? Le terrain qui a rendu possible d’abord l’exploitation de la nature, puis son asservissement ? »

Etienne Klein

Publié dans Nostalgie

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