Чесноков
J’écoutais un répons du profond Tchesnokov,
Musicien de Russie qui dévoua son génie
Au service orthodoxe au temps de l’athéisme.
Etrange paradoxe où l’artiste, élevant
Les temples aériens de la polyphonie,
Voyait, en même temps, crouler les cathédrales.
Tout son œuvre gémit au pied du créateur,
Douloureuse prière et mante immaculée
Dont se couvre en pleurant l’âme désemparée ;
Mais ne cesse pourtant de brûler de son feu
Dans le sanctuaire éteint où l’icône agonise,
Lépreuse, tavelée d’humides moisissures.
Ecoute cette voix qui chante sa prière,
Portée par le chagrin du chœur qui se lamente ;
Ecoute ce frisson que parcourt une eau fraîche,
Baignant de sa splendeur les éternités calmes ;
Ecoute la rumeur d’un peuple qui soupire,
En tournant vers les cieux sa muette certitude ;
Ecoute la supplique élevée par cent voix
Qui disent la lumière au sein de notre nuit.
Il mourut solitaire en Moscou évacué,
Opiniâtre instrument de l’onde spirituelle,
Désespéré, qui sait, sous la loi du dictat ;
Laissant, comme un trésor dispersé dans le vent,
Son œuvre de douleur qu’ignore l’occident.
Et dans l’ombre, ce soir, fermant mon œil pensif,
Se lève sur ma peine, aube contemplative,
Sereine, sa musique épandue sur le monde.
mai 2006