Douloureuse marée

Publié le par Lionel Droitecour

... l’âme du chant / Sur un antique tourne disque ...

... l’âme du chant / Sur un antique tourne disque ...

Le vieux professeur de musique,
En écoutant la symphonie,
Le concerto, l’âme du chant
Sur un antique tourne disque,

Avait des larmes dans les yeux.
Les autres gamins se moquaient,
Sous cape, dans le dos du prof.
J’étais le seul à écouter,

Enfin je crois. Son émotion
En moi trouvait son propre écho.
Désormais j’ai perdu son nom,
Son allure, aussi son visage,

Il n’est qu’une humble silhouette
En ma mémoire et je ne sais
Même plus quel était l’extrait
De l’œuvre qu’il nous dévoilait.

Juste ses prunelles embuées,
Sa voix soudain presque brisée,
Cette ile au milieu des lazzis
Qui s’appelait la dignité.

Quand le vieux Bach me mène ainsi
Aux portes de cet infini,
Lorsque ma gorge encor se noue
Et que le sel s’en vient perler

À mes paupières délavées,
Si loin aux abimes du temps
Où sont demeurées mes enfances,
Je me retrouve en cet instant.

Tout comme lui désormais suis
Vieux, défait et découragé,
Ma solitude en vain bercée
D’une douloureuse marée.

octobre 2015

 

Publié dans Musique

Commenter cet article

A
Magnifique poème, comme il est difficile, en effet, de faire partager ses émotions à ceux qui ne sont pas dans notre monde...
Répondre